Attentats de Paris : J'étais au Stade de France. Les SMS pleuvaient, les alertes aussi

  • publié il y a : 8 ans
  • Auteur : Paul Laubacher
  • vues : 828  
Attentats de Paris : J'étais au Stade de France. Les SMS pleuvaient, les alertes aussi
LE PLUS. À partir de là, on bascule. Le match en cours devient non pas secondaire, mais dérisoire. Je n'arrive pas à dérocher mes yeux du téléphone. Les sms pleuvent, les alertes aussi. Je rassure mon entourage comme je peux sans prendre la mesure de la gravité de la situation, raconte notre contributeur.
Autant être clair : mon récit n'apportera aucun élément supplémentaire à ce que nous savons déjà des terribles attentats qui ont frappé Paris en plein coeur, vendredi soir.
 
Présent au Stade de France pour assister au match amical entre la France et l'Allemagne, je souhaite simplement raconter comment, peu à peu, l'inquiétude s'est emparée de l'enceinte dionysienne, alors que 3 kamikazes se faisaient exploser à ses abords. 
 
Je n'avais pas prévu de m'y rendre au départ
 
En quittant mon domicile le vendredi matin, je ne savais pas encore que j'allais me retrouver au Stade de France le soir même. Ce n'est qu'en fin de matinée qu'on m'a proposé de m'y rendre. Amateur de foot, je n'ai pas été difficile à convaincre. Après tout, une quinzaine d'euros pour voir la France affronter les champions du monde en titre, ça vaut le coup.
 
18h10. Je quitte mon lieu de travail, situé dans le 2ème arrondissement de Paris, en compagnie des 2 personnes qui m'ont convié au match. Dans la voiture, on discute football, compositions d'équipe et schémas tactiques. Sans se douter évidemment qu'on se dirige droit vers l'un des lieux qui feront si tristement l'actu dans quelques heures. 
 
Nous décidons de nous garer au niveau de la Porte de Saint-Ouen, et de rallier le Stade de France via les 4 stations de métro de la ligne 13 qui nous en séparent. Sur place, l'ambiance est calme et la présence policière, inhérente à ce type d'évènements, est en place. Après un menu rapidement avalé chez Quick, nous allons prendre place en tribune. Porte X, dans la partie haute du stade. Il est encore tôt, on assiste à l'échauffement des 2 équipes. Je me dis que j'ai bien fait de venir, ne serait-ce que pour voir le gardien allemand Manuel Neuer se préparer juste sous mes yeux.
 
Une explosion, puis deux
 
21 heures. Après les traditionnels hymnes nationaux, le match commence. Le début est plutôt agréable à suivre, la France fait bonne impression. Puis, au bout d'un quart d'heure de jeu environ, une première détonation retentit. Même si elle paraît énorme depuis le stade, surtout pour un match amical de l'équipe de France (à l'ambiance très familiale), on ne peut s'empêcher de penser qu'il s'agit d'un gros pétard ou d'une bombe agricole lancée par un supporter. On entend même des "Olééééé" en tribune suite à l'explosion. En tout cas, personne ne s'agite.
 
A peine quelques minutes plus tard, une deuxième explosion retentit. Exactement le même bruit sourd que la première. Et encore et toujours ce sentiment que ça n'est rien de grave, ou au pire un individu un peu trop excité à l'extérieur du stade. On remarque par ailleurs qu'un hélico tourne dans le ciel de Saint-Denis. Sans que cela ne génère la moindre inquiétude autour de moi. La mi-temps est sifflée, la France mène 1-0. Personne ne semble se douter, moi le premier, de l'horreur qui est en train de se jouer, autour du stade et un peu plus loin, en plein Paris.
 
Premières alertes push, premiers SMS inquiets
 
La 2ème mi-temps démarre. Mais pour être honnête, je ne l'ai quasiment pas vue. Alors que je ne me souviens pas avoir entendu la 3ème explosion qui a eu lieu peu avant 22 heures, l'une des personnes qui m'accompagnent m'alerte une première fois :
 
"Il se passe quelque chose, la tribune officielle s'est vidée".
 
J'acquiesce, puis sors mon téléphone. Deux SMS me demandent : "tu es au Stade de France ?", tandis que mes applications d'actu m'alertent avec des messages ressemblant à :
 
"Fusillade en cours dans le 11ème arrondissement de Paris" ;
 
"Explosions autour du Stade de France et fusillade en plein Paris" ;
 
"Prise d'otages en cours au Bataclan".
 
À partir de là, on bascule. Le match en cours devient non pas secondaire, mais dérisoire. Je n'arrive pas à dérocher mes yeux du téléphone, malgré la mauvaise connexion. Les SMS pleuvent, les alertes aussi. Je rassure mon entourage comme je peux sans prendre la mesure de la gravité de la situation. Autour de moi, l'ambiance a changé. Les mots "fusillade", "explosion" et "Bataclan" ont remplacé "frappe", "occasion" et "Martial". 
 
Mouvement de foule, panique et pelouse
 
On se demande alors si le match va aller au bout. Il semble que oui. Les organisateurs ont sans doute voulu éviter un vent de panique. Au coup de sifflet final, le speaker du stade prend néanmoins la parole :"
 
"Mesdames et Messieurs, en raison d'incidents autour du stade, nous vous demandons d'emprunter dans le calme les sorties situées à l'ouest".
 
Après un moment d'hésitation, nous décidons d'y aller. Mais, à peine sortis de l'enceinte, nous faisons face à des centaines de personnes qui crient et courent dans notre direction. J'ai sans doute vécu là l'une des plus grandes peurs de ma vie. Tout de suite, on pense au pire : un tireur resté aux abords du stade et qui décide de passer à l'acte, une nouvelle explosion... Tout s'entremêle, tout est flou.
 
Donc, on se met à courir aussi. Le plus rapidement possible. L'instinct nous pousse, à tort ou à raison, sur la pelouse du Stade de France. Finalement, on comprend assez vite que ça n'était qu'un mouvement de foule paniquée. Ce qu'on vit semble irréel. On est là, au beau milieu du stade, avec des milliers d'autres spectateurs. Sur les visages, on peut lire l'attente, la peur, l'envie de rentrer vite chez soi.
 
Certains, sans doute inconscients du drame qui est en train de se jouer, en profitent pour immortaliser le moment en prenant la pose assis sur les bancs des remplaçants. Pour ma part, je continue de rassurer autant que je peux mon entourage tout en essayant d'obtenir davantage d'infos sur la situation à Paris. Après une bonne demi-heure passée sur la pelouse et une énième annonce du speaker nous expliquant que nous pouvons sortir sans crainte, nous décidons, cette fois pour de bon, de rejoindre la voiture.
 
Comme un mauvais lendemain de soirée arrosée
 
Ne souhaitant pas reprendre le métro, nous faisons le trajet à pied jusqu'à Porte de Saint-Ouen. 40 bonnes minutes de marche. Le temps de consulter son fil Twitter, lire les premiers résumés des événements, et comprendre, enfin, que Paris est attaquée.
 
Dans la voiture, nous sommes silencieux. La radio nous fait suivre la situation en direct, et chacun continue de donner et prendre des nouvelles de ses proches. Sur le périphérique parisien, on se sent en sécurité, malgré les nombreux véhicules policiers que nous croisons, sirènes hurlantes.
 
Lorsque j'arrive chez moi, entre 0h30 et 1h du matin, je ne peux m'empêcher d'allumer la télévision. Les images sont terribles. Le bilan, si lourd. Je pense à cette fameuse porte D du stade, devant laquelle nous sommes passés à peine une heure avant la première explosion. Au Bataclan, où j'ai moi-même assisté à un concert en début d'année. À toutes ces vies brisées, ces familles endeuillées. Le sommeil sera difficile à trouver.
 
Le réveil ne l'est pas moins, et ressemble à l'un de ces mauvais lendemains de soirée légèrement arrosée dont on voudrait échapper au plus vite.

Source : http://leplus.nouvelobs.com/contribution/1449441-attentats-de-paris-j-etais-au-stade-de-france-les-sms-pleuvaient-les-alertes-aussi.html

Commentaires



A voir egalement